Bercy annonce sept nouvelles mesures pour faciliter le déploiement de la géothermie

Fervent défenseur de la géothermie, le Premier ministre François Bayrou a visiblement demandé à son gouvernement de passer à la vitesse supérieure dans ce dossier. Bercy – qui, pour rappel, a l'énergie dans son giron – vient ainsi d'annoncer une nouvelle salve de mesures en faveur de la filière géothermique, soulignant au passage que la production de chaleur repose encore essentiellement sur des combustibles fossiles et représente toujours la moitié de la consommation finale d’énergie de la France. D'où l'enjeu de sa décarbonation.
"La géothermie, qui valorise l’énergie thermique du sous-sol et des nappes d’eau souterraines, est une source de chaleur abondante, renouvelable, décarbonée, résiliente et pilotable. Elle peut être exploitée dans tous types de bâtiments (résidentiels, tertiaires, agricoles, industriels) pour couvrir des besoins de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de rafraîchissement, de froid et de production de vapeur", affirme Marc Ferracci, le ministre en charge de l'Énergie et de l'Industrie.
La filière semble néanmoins se heurter à un plafond de verre : en dépit de ses atouts, elle représente seulement 1 % de la consommation finale de chaleur et 5,5 % de la production thermique des réseaux de chaleur en France métropolitaine. Elle pourrait également être davantage valorisée dans les Outre-mer, où la loi prévoit d'atteindre l'autonomie énergétique entre 2030 et 2050, en poussant les projets de production d'électricité issue d'énergies locales renouvelables.
Installer deux fois plus de pompes à chaleur géothermiques chaque année
Le plan d'action national sur la géothermie présenté en février 2023 s'était déjà fixé comme objectif de doubler le rythme annuel d'installations de pompes à chaleur géothermiques et d'augmenter de 40 % le nombre d'opérations de géothermie profonde en lançant de nouveaux projets avant 2030.
"Cette ambition a été réaffirmée par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3, dont la publication se fait toujours attendre, NDLR) mise en consultation en mars 2025, qui table sur une multiplication par quatre en dix ans de la production de chaleur géothermique en France métropolitaine : 10 térawattheures de chaleur renouvelable issue de géothermie de surface en 2030, puis 15 à 18 TWh en 2035 ; 6 TWh de chaleur renouvelable issue de géothermie profonde en 2030, puis 8 à 10 TWh en 2035", poursuit le ministre.
Si la filière profite d'un frémissement de dynamique ces dernières années, l'exécutif veut donc l'aider à déployer tout son potentiel, et appelle au passage les collectivités territoriales à "faire figure d’exemple dans le cadre des opérations de réhabilitation des bâtiments publics, des opérations d’aménagement et des opérations de création ou d’extension de réseaux de chaleur".
Lancée en avril dernier sous l’impulsion de Matignon et confiée au député (Horizons) du Bas-Rhin Vincent Thiébaut, la mission "commando" (sic) sur le développement de la géothermie s'appuie donc sur le plan de 2023 pour proposer de nouvelles solutions "applicables dès 2025-2026". Parmi elles, sept mesures "d’accélération" viennent d'être officiellement annoncées, en attendant d'être intégrées dans le plan d’action national, "dont la mise en œuvre fera l’objet d’un suivi semestriel dès l’automne 2025", assure Bercy.
Des décrets en Conseil d'État attendus
Les pouvoirs publics veulent commencer par lancer en 2026 un appel à manifestation d’intérêt auprès des collectivités, "en vue de caractériser la ressource géothermale profonde dans des zones méconnues en France métropolitaine". L'idée est de relancer les projets d'exploration en acquérant des données sur le domaine public et des zones faisant l'objet d'autorisations de passage, ce qui implique de recenser "les acteurs locaux intéressés, les projets potentiels et leur répartition géographique".
Parallèlement, les délais de confidentialité de certaines données relatives à l’exploration géothermique seront réduits dès 2026 "pour diffuser la connaissance du sous-sol et dérisquer les projets", via le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Actuellement de 10 ans, ces derniers seront abaissés à cinq ans, voire annulés en fonction des informations concernées, ce qui pourrait rendre certaines d'entre elles immédiatement accessibles.
Dans le même registre, le Gouvernement souhaite alléger les procédures de certains projets de géothermie de surface, "en relevant (par décret en Conseil d’État) le seuil de puissance maximale de la 'géothermie de minime importance' sur sondes à 2 MW à l’automne 2025 et en étudiant la possibilité de simplifier les procédures applicables sur nappe".
Il est par ailleurs prévu de définir "au premier trimestre 2026 les conditions dans lesquelles les installations de stockage calorifique pourront bénéficier du régime déclaratif de la 'géothermie de minime importance'". Aujourd'hui peu répandu dans l'Hexagone, le stockage de chaleur intersaisonnier souterrain présente pourtant un certain potentiel. D'après le ministère, l'idée serait, là aussi, d'ouvrir la porte à un décret en Conseil d’État permettant de déroger aux dispositions applicables du Code minier.
Des retours d'expérience du secteur tertiaire
Un projet de décret relatif aux modalités d’application de la durée du temps de travail sur les chantiers de forage géothermique profond sera en outre préparé "d’ici à la fin de l’année 2025". Car pour Bercy, le développement de la filière ne pourra avoir lieu qu'avec des bras supplémentaires.
"En géothermie profonde, la capacité actuelle de la filière permet de construire jusqu’à une dizaine de doublets géothermiques par an. Le doublement de la capacité de forage profond espéré d’ici à 2030 requiert environ 200 foreurs supplémentaires. Le temps de formation étant long pour les postes de conduite d’appareils de forage profond, il est prévu de mettre en œuvre une mesure relative au temps de travail sur site, complémentaire du développement de formations adaptées", développe le ministère.
Pour mieux faire connaître les solutions géothermiques, les pouvoirs publics comptent aussi mener des actions de sensibilisation et de communication auprès des prescripteurs et des collectivités. Des retours d'expérience du secteur tertiaire seront ainsi relayés dans le cadre du Booster des ENR&R du bâtiment. Enfin, le réseau d'animateurs régionaux spécialisés en géothermie sera consolidé de sorte à couvrir la totalité du territoire métropolitain en 2026.
Bercy assure que le plan de développement de la géothermie réunit toutes les parties prenantes et est soumis à une concertation interministérielle. Au-delà de la levée des obstacles, l'exécutif "s’engage notamment à instaurer un cadre réglementaire simplifié et adapté aux spécificités de la filière". D'autres mesures devraient être annoncées dans les prochains mois.
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