Recyclage : la filière des ballons d'ECS en fin de vie sera opérationnelle début 2026

Par   Bernard REINTEAU

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Publié le 19 mai 2025
Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair
Decons Récupération, au Vigeant (86), inaugure une série de six unités de dépollution des ballons d’eau chaude. Un investissement de 10 M€ pour traiter 15 à 20.000 t par an. Ici, une partie de son stock de 700 t.
EN IMAGES. Le site de traitement des ballons d’ECS électriques ouvert au Vigeant, dans la Vienne, présente un mode de dépollution innovant et inaugure une filière qui couvrira tout le pays. À suivre, des solutions pour les ballons thermodynamiques et les vitrines réfrigérées.

Le cumul des Cumulus est-il en passe d’être réglé ? Dix ans après la loi de transition énergétique qui instituait l’obligation de traitement des ballons d’eau chaude sanitaire, l’organisme EcoSystem dédié à la mise en œuvre de cette REP – responsabilité élargie du producteur – a présenté le 6 mai dernier le premier site de dépollution implanté au Vigeant, dans le sud de la Vienne, sur le site de l’entreprise Decons Récupération.

"C’est le résultat de l’appel à projet lancé en 2022 pour développer une solution industrielle innovante, performante et durable pour la prise en charge des ballons d’eau chaude en fin de vie", commentait Nathalie Yserd, directrice générale d’EcoSystem, lors de l’inauguration de ce nouvel outil industriel.

L’installation du processus industriel d’un montant de 10 millions d'euros sous le hall de 5.000 m² de l’entreprise Decons est le résultat visiblement convaincant d’une recherche technique pointue après plusieurs années d’errance. En 2017, EcoSystem avait envisagé de confier aux entreprises de dépollution des réfrigérateurs usagés le traitement des ballons d’eau chaude électriques.

Un "grain de sable" a bloqué la démarche : le calcaire présent dans les cuves. Initialement estimé à 8% du poids des ballons, ce composant se retrouve en réalité à hauteur de 18-19%. À ce taux, sans pré-traitement, le minéral a pour effet de colmater le flux des matériaux broyés.

La filière de traitement mise au point par l’italien Forrec repose sur une unité de broyage entièrement étanche capable de récupérer le polyuréthene et les gaz à effet de serre qu’il contient. Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair

Trouver la bonne méthode

Après l’échec des premières tentatives de traitement et passé les affres de la crise du Covid, EcoSytstem a remis l’ouvrage sur le métier. Avec l’aide des industriels, ce sujet des ballons a fait l’objet d’un travail spécifique.

"Nous nous sommes engagés auprès de l’éco-organisme chargé de la dépollution des ballons en 2021", explique Isabelle Savidan, directrice RSE du groupe Atlantic. "Nous avons partagé nos connaissances pour dimensionner le projet et aussi initier un changement de pratique des installateurs et des distributeurs pour orienter les ballons usagés uniquement vers des récupérateurs agréés. L’information sera transmise par les équipes technico-commerciales sur le terrain et à travers nos centres de formation."

Les industriels ont aussi fourni des données élémentaires de marché : parc de ballons, ventes annuelles… Ainsi, on compte en France quelque 16 millions de ballons dont la durée de vie moyenne est de 12-15 ans ; les ventes annuelles sont de 1,9 million d’unités et le gisement à traiter serait de 100 à 120.000 unités.

L’autre point dur du traitement des ballons : la présence de près de 10 kg de calcaire fixés sur les parois. Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair

Capter les gaz à effet de serre

L’appel à projet remporté par Forrec, concepteur et fabricant italien d’installations de recyclage et de dépollution, tient compte des deux grandes difficultés liées aux ballons : la présence de calcaire et celle de mousse isolante polyuréthane. Ce dernier composant est aussi problématique car chargé des différentes molécules présentes dans les produits chimiques utilisés pour son expansion ; le poids de gaz d’un ballon standard de 55-60 kg est ainsi de 200 g.

Au fil des cinquante dernières années, les industriels ont utilisé du CFC (chlorofluorocarbone), du HCFC (hydrochlorofluorocarbone), du HFC (hydrofluorocarbone) et aujourd’hui du penthane (un gaz issu du pétrole). La destruction sans confinement de ces mousses provoque le relargage dans l’atmosphère de chlore, de fluor, de méthane et d’hydrogène.

Autant de gaz à effet de serre (certains sont totalement bannis, d’autres font l’objet de réductions d’usage drastiques) dont les molécules les plus nocives affichent jusqu’à 12.000 tonnes équivalent CO2. Ce que les ferrailleurs, jusqu’alors principaux destinataires des vieux ballons déposés par les plombiers et chauffagistes, ne sont pas en mesure de récupérer.

Les aciers sont récupérés par des moyens magnétiques, et les matériaux non magnétiques (cuivre et aluminium) par courant de Foucault. Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair

Valoriser tous les composants

La filière mise au point repose sur deux broyages successifs dans des unités étanches afin de récupérer l’intégralité des composants, explique Marco Laudadio, responsable commercial de Forrec. Ce qui permet notamment de capter les gaz contenus dans les mousses pour les orienter vers une unité de liquéfaction et de compression, puis de mise en bouteilles. Expédiés sur l’unité Trédi-Séché près de Lyon, ils seront détruits en incinérateur pour déchets industriels.

De même, la moindre particule de mousse est séparée de l’enveloppe métallique par un broyeur à marteaux, et tout l’isolant est séparé du reste des déchets par une aspiration vers deux silos. Ce stock alimente une machine à pellets ; la mousse, chauffée à 120-130 °C puis pressée, rend ses derniers gaz.

En sortie, les pellets constituent un combustible solide de récupération (CSR) dont le haut pouvoir calorifique de 25 à 35 KJ/kg intéresserait les cimentiers locaux, notamment pour les mélanger à d’autres CSR à bas pouvoir calorifique.

Les gaz à effet de serre (fluor, chlore, méthane et hydrogène) sont comprimés, liquéfiés et mis en bonbonnes pour être expédiés vers un incinérateur de déchets industriels. Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair

Composant principal des ballons, l’acier constitue 68-70% du poids des matériaux récupérés. Broyés pour composer une fraction de 0-60 mm, il est capté par des outils magnétiques. Estimé à près de 7.000 tonnes par an, il sera expédié vers des unités métallurgiques en France et en Espagne.

L’installation dispose aussi de moyens pour récupérer les déchets non magnétiques issus du broyage. Des tamis permettent de collecter le calcaire et les plastiques. Actuellement, aucun débouché n’est prévu pour le calcaire.

En outre, des séparateurs à courant de Foucault permettent de distinguer le laiton, le cuivre et l’aluminium ; parmi les refus d’induction, on retrouve aussi de l’inox, des plastiques et des câbles en cuivre. Chaque gisement trié possède sa filière de réutilisation et de recyclage.

Six sites pour couvrir la France

L’organisation de cette filière repose sur une gestion économique. Au Vigeant, l’entreprise Decons est rémunérée par EcoSystem sur la base de l’éco-participation de 15 à 17 € par ballon facturée au client par les industriels.

L’installation peut traiter 5 tonnes de ballon par heure, soit 80 à 90 ballons. Son potentiel annuel est de l’ordre de 15.000 tonnes ; selon David Decons, président de l’entreprise, elle peut atteindre 20.000 unités. Par ailleurs, l’entreprise se rémunère sur la revente des produits triés. Le contrat avec EcoSystem est d’une durée de six ans. Cette filière fait l’objet d’un déploiement national.

Après Le Vigeant en mai, une deuxième unité sera mise en service le 25 juin par le hollandais Coolrec à Lesquin (59), une troisième par Derichebourg à Bonneuil-sur-Marne (94) le 17 septembre, deux autres par Derichebourg à Cheminot (près de Metz, 57) et à Saint-Pierre-de-Chandieu (près de Lyon, 69) au second semestre, et une dernière par Derichebourg près de Nantes (44) au 1er semestre 2026.

Les mousses sont chauffées et pressées pour les débarrasser de la totalité des gaz qu’elles contiennent, puis compactées en granulés pour servir de combustible à haut pouvoir calorifique. Crédit photo Bernard Reinteau pour XPair

Ces unités de taille équivalente à celle présentée au Vigeant sont chacune dédiés à un territoire défini par EcoSystem. L'éco-organisme est aussi chargé de traiter d’autres déchets tels que les ballons thermodynamiques en vente depuis les années 2000.

Au Vigeant, la deuxième moitié du hall industriel dédié par Decons au pôle "ballons d’eau chaude" sera occupé par une filière dédiée à cette famille de produit dès 2026. Elle intégrera la récupération des gaz frigorifiques et le recyclage des petites pompes à chaleur.

Par la suite, EcoSystem veut mettre sur pied une troisième filière qui sera consacrée à la dépollution des vitrines commerciales réfrigérées. Ce gisement de déchets est moins important : 20.000 t/an. Mais il pose des problèmes particuliers, notamment une surface importante pour le stockage et le démantèlement. Ce programme devrait être bouclé en 2027.


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