La production de chaleur a toujours du mal à opérer sa transition énergétique

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 10 février 2025
Réseau de chaleur urbain Newheat
Newheat
Cuve de stockage de la centrale solaire thermique Newheat alimentant le réseau de chaleur urbain de la ville de Pons (Charente-Maritime). Photo d'illustration.
FOCUS. En 2023, la chaleur d'origine renouvelable ne représentait encore que 27,8% de la consommation finale de chaleur de la France métropolitaine. Un chiffre qui peine à décoller alors que le pays dispose de solutions présentées comme matures et de nombreuses ressources renouvelables et de récupération.

La chaleur renouvelable peine à se faire une place en France. Dans l'édition 2024 du Panorama de la chaleur renouvelable et de récupération publiée le 5 février 2025, la filière constate une augmentation constante de la production issue de sources d'énergie renouvelable et de récupération. Mais pour autant, la chaleur renouvelable ne représentait encore que 27,8% de la consommation finale de chaleur de la France métropolitaine en 2023. Depuis 2009, où elle plafonnait à 15%, la progression est certes flagrante. Un bond a même été enregistré entre 2021 et 2023, passant de 22,3% à presque 28%. Les acteurs considèrent néanmoins que le compte n'y est pas.

"La majorité de l'énergie que nous consommons sert à produire de la chaleur, devant la production d'électricité ou le transport. Cette chaleur, essentielle pour le chauffage des bâtiments, la production d'eau chaude sanitaire ou les procédés industriels, est cependant encore largement produite à partir d'énergies fossiles et importées, fortement émettrices de gaz à effet de serre", préviennent, dans un communiqué commun, l'AFPG (Association française des professionnels de la géothermie), le CIBE (Comité interprofessionnel du bois-énergie), la Fedene (Fédération des entreprises de services énergie et environnement), le SER (Syndicat des énergies renouvelables) et Uniclima (Syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques).

La filière plaide pour une "trajectoire pluriannuelle" du Fonds chaleur

Pour éviter de "s'enfermer dans des situations de dépendance stratégique vis-à-vis d'autres États" et "préserver notre souveraineté énergétique", ces organisations appellent donc à "accélérer la décarbonation de la chaleur". Elles mettent en avant la durée de vie des équipements et réseaux concernés, leurs "prix maîtrisés" et leurs retombées économiques locales, dans la mesure où ils peuvent valoriser des ressources régionales tout en créant des emplois non délocalisables.

Elles comptent surtout sur le renforcement du Fonds chaleur, dont le ratio subvention/émission de gaz à effet de serre est jugé "exceptionnel" par l'Ademe (Agence de la transition écologique) : 36 € de soutien public par tonne de CO2 évitée. Créé en 2009, le dispositif aurait déjà aidé plus de 8.500 installations, totalisant 45,4 TWh de chaleur ENR&R par an et représentant 14 milliards d'euros d'investissements, "soit près de 4 fois le montant total des aides distribuées", affirment les cinq organisations.

La part de chaque filière dans la production de chaleur renouvelable en France métropolitaine en 2023 (total : 173,5 térawattheures)

- Chauffage au bois domestique : 42,1% (73 TWh)

- Pompes à chaleur aérothermiques : 25,1% (43,5 TWh)

- Chaufferies bois (collectif, industriel et tertiaire) : 17,9% (31,1 TWh)

- Gaz renouvelables : 6,7% (11,6 TWh)

- Unités de valorisation énergétique des déchets : 3,5% (6 TWh)

- Géothermie de surface : 2,7% (4,7 TWh)

- Géothermie profonde : 1,3% (2,3 TWh)

- Chaleur solaire : 0,7% (1,3 TWh)

Celles-ci ont été en partie rassérénées par le projet de troisième Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE 3), qui propose d'augmenter "fortement" la production de chaleur renouvelable - avec un objectif minimum de 276 TWh en 2030 et de 330 TWh en 2035 -  tout en faisant passer le développement des réseaux chaleur à la vitesse supérieure.

Leur inquiétude persiste toutefois sur les moyens humains et financiers consacrés à l'atteinte de ces objectifs, notamment après l'adoption du budget 2025. "À l'heure où le projet de PPE 3 appelle à pérenniser et à accroître le soutien au Fonds chaleur, son enveloppe 2025 a été stabilisée à hauteur du budget 2024, déjà insuffisant face à la dynamique des projets collectifs et industriels", déplore la filière, qui plaide désormais pour une "trajectoire pluriannuelle" du Fonds chaleur afin d'éviter des reports, voire des annulations de projets.

Dans l'attente des arbitrages sur la biomasse

L'AFPG, le CIBE, la Fedene, le SER et Uniclima rejoignent en outre les autres organisations professionnelles de l'énergie dans le bâtiment en demandant une stabilisation de Ma prime rénov', après un parcours plutôt chahuté en 2024 qui a débouché sur des baisses de forfait pour le chauffage au bois. Alors qu'une nouvelle réduction a été actée dans le projet de loi de Finances 2025, l'idée est de préserver ce dispositif dans l'espoir de soutenir la production de chaleur renouvelable dans le résidentiel.

"Les usages domestiques liés à des équipements individuels (appareils de chauffage au bois, Pac aérothermiques et géothermiques, chauffe-eaux solaires) représentent près de 63% de la production de chaleur renouvelable en 2023", rappellent les signataires. Présentée comme la "première ENR pour la production de chaleur", la biomasse est également au centre de l'attention.

"Les arbitrages actuels sur les moyens interviennent alors même que le débat sur la disponibilité de la biomasse forestière n'a pas encore livré ses conclusions", en référence au groupement d'intérêt scientifique mis en place l'année dernière sur ce sujet. "Il est donc primordial que l'ensemble des acteurs concernés par la production et les usages de la biomasse partagent leurs données et leurs analyses de la situation", concluent-ils.


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