DPE : Matignon décide d'abaisser le coefficient d'énergie primaire

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 9 juillet 2025
© iStock/SewcreamStudio
Photo d'illustration du diagnostic de performance énergétique (DPE).
LOGEMENT. Le Premier ministre François Bayrou a annoncé la baisse prochaine du coefficient de conversion de l'électricité utilisé dans le calcul du diagnostic de performance énergétique. Des centaines de milliers de logements jusqu'ici considérés comme des passoires thermiques vont ainsi sortir de ce statut.

La décision est tombée ce 9 juillet au matin. Le Premier ministre François Bayrou vient d'annoncer une baisse du coefficient d'énergie primaire (Cep) utilisé dans le calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) : actuellement fixé à 2,3, il sera ramené à 1,9 à compter du 1ᵉʳ janvier 2026. "Cette évolution permettra de mieux refléter la réalité du mix énergétique français, largement décarboné grâce au nucléaire, et de corriger une inégalité de traitement pénalisant jusqu'ici les logements chauffés à l'électricité, y compris lorsqu'ils ont fait l'objet de travaux de rénovation", détaille un communiqué de Matignon.

Pour rappel, le Cep permet de calculer la consommation d'énergie réelle des ménages en se basant sur leurs relevés et factures d'énergie. Le gaz naturel affiche pour sa part un coefficient de 1, donc plus avantageux que celui de l'électricité. Alors que MaPrimeRénov' est gelée jusqu'au 15 septembre s'agissant des rénovations d'ampleur, la décision gouvernementale est aussi motivée par la volonté de cibler plus précisément les dispositifs d'aide sur les logements chauffés aux énergies fossiles.

En actant cette baisse du Cep, "environ 850.000 logements principalement chauffés à l'électricité" vont sortir du statut de passoire thermique, qui correspond aux étiquettes F et G du DPE. Mais l'exécutif met en avant la "limite importante" que présenterait la méthode de calcul actuelle du DPE : en désavantageant l'électricité, pourtant présentée comme "une énergie bas-carbone en France", elle profiterait du même coup au gaz et au fioul.

Un arrêté en septembre 2025 pour une entrée en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2026

"Ce biais continue à freiner l'électrification des usages, pourtant essentielle à notre stratégie énergétique et climatique, et nuit à la lisibilité des investissements pour les ménages", affirme Matignon. De son côté, François Bayrou espère que la réforme de ce "paramètre clé" va envoyer "un signal fort en faveur d'un DPE plus juste et plus cohérent" vis-à-vis des engagements climatiques et énergétiques de la France. Dans l'immédiat, une consultation publique va être lancée sous l'égide des ministères du Logement et de l'Énergie, en prévision de la signature d'un arrêté "début septembre 2025".

La filière, elle, est partagée sur le sujet. Quand cette baisse du Cep n'était encore qu'au stade de projet, l'association Coénove, qui milite pour la complémentarité des énergies dans le bâtiment, avait notamment mis en garde sur les effets contre-productifs que pourrait avoir sa concrétisation. "Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on soigne la fièvre, car modifier artificiellement le Cep/Cef ne change en rien la réalité des logements. Ce n'est pas le Cep/Cef qu'il faut changer, ce sont les logements qu'il faut rénover", avait insisté Jean-Charles Colas-Roy, son président.

À l'inverse, l'association Équilibre des énergies, qui poussait pour cette réforme, se félicite logiquement de son issue. "Bonne nouvelle pour le climat !", a réagi son président Brice Lalonde, qui salue une décision "courageuse et stratégique", une réponse "de bon sens" face à une "absurdité réglementaire". Pour l'ancien ministre de l'Environnement, "c'est un signal clair : la transition énergétique et la souveraineté industrielle passent par l'électrification", mais ces deux tendances doivent aussi "s'accompagner de justice sociale pour les ménages". Il estime par ailleurs que les logements F et G qui vont être reclassés vont "redonne[r] confiance au secteur du bâtiment" et "concentre[r] l'effort public sur les vraies priorités", à savoir "les passoires chauffées aux énergies fossiles".

"La suppression partielle d’un handicap imposé à tort" ou "un instrument discret de désengagement budgétaire" ?

Dans un message LinkedIn, la Fieec (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication) dit "prend[re] acte de cette annonce positive" mais rappelle au passage que "l’abaissement du Cep n’est pas un avantage donné à l’électricité, c’est la suppression partielle d’un handicap imposé à tort à une énergie clé pour la transition énergétique, handicap qui pénalise les performances des équipements de la décarbonation et limite leur développement". Pour l'organisation, "c’est donc bien la question de l’énergie finale et de l’émission du carbone qui est importante".

De son côté, le directeur général du Synasav (Syndicat national des entreprises de maintenance en génie climatique), Cyril Radici, soupçonne même une "stratégie budgétaire implicite" derrière cette évolution technique.

Sur LinkedIn, le responsable liste ainsi plusieurs "objectifs officieux" à ses yeux. D'abord, l'"allègement mécanique du nombre de logements F ou G, donc moins de logements interdits à la location, avec une pression réduite sur l’État pour loger les ménages ou financer des rénovations ; diminution potentielle du recours à MaPrimeRénov’ et autres aides à la rénovation : une réduction implicite des engagements budgétaires, sans annonce formelle ; amélioration statistique du parc résidentiel sur le papier, sans transformation structurelle du bâti existant ; reports ou annulations de chantiers d’isolation, changements de chaudière, ventilation double-flux".

Il évoque en outre le "ralentissement probable des rénovations thermiques lourdes, notamment en isolation : cela représente un report potentiel de milliers de kilotonnes de CO₂ évitables si ces logements avaient été rénovés ; amélioration d’indicateurs réglementaires… sans baisse réelle des consommations ni des émissions ; risque d’aggravation des pics hivernaux électriques ; à l’échelle carbone, cette réforme pourrait faire perdre 5 à 10 MtCO₂e cumulées d’ici à 2030 en opportunités de réduction non saisies, si elle n’est pas compensée par une montée en puissance des rénovations efficaces dans d’autres segments du parc".

D'après le Synasav, la baisse du Cep serait donc "un instrument discret de désengagement budgétaire" conduisant à un "verdissement comptable du résidentiel", en fragilisant encore un peu plus les incitations aux travaux de rénovation énergétique. Les installateurs et mainteneurs demandent par conséquent que les politiques publiques en la matière fassent l'objet d'un "pilotage cohérent, transparent et stable", et que le Gouvernement s'engage à soutenir "les acteurs économiques de terrain garants de la réussite opérationnelle de la transition énergétique".


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