Alimentation, refroidissement, maintenance : le CVC part à l'assaut des data centers

Par   Pascal POGGI

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Publié le 17 novembre 2025
© Pascal Poggi pour XPair
Les marques du génie climatique et de la lutte anti-incendie sont bien représentées sur le segment des centres de données, mais avec des solutions spécifiques, packagées différemment.
EN IMAGES. Les marques du génie climatique et de la lutte anti-incendie sont bien représentées sur le segment des centres de données, mais avec des solutions spécifiques, packagées différemment pour garantir la continuité du fonctionnement des installations. Tour d'horizon.

En prenant une analogie un peu absurde, mais parlante, un data center est un bâtiment où est installé l’équivalent de milliers de radiateurs électriques : il faut assurer la qualité de leur alimentation électrique et les refroidir en permanence, jour et nuit, toute l’année, pour qu’ils puissent continuer à chauffer.

Le salon Tech Show Paris, qui rassemblait en réalité cinq salons – Cloud & AI Infrastructure, DevOps Live, Cloud & Cyber Security Expo, Big Data & AI World, Data Centre World – les 5 et 6 novembre au Parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, a donc mis en scène de l’équipement électrique, des groupes de production d’eau glacée, toute la plomberie technique pour gérer et transporter cette eau glacée, les traversées de mur et les solutions anti-incendie.

Il était très curieux, pour un habitué des salons dédiés au CVC dans les bâtiments classiques, d'y retrouver les marques connues de cet univers, de ABB à Victaulic, en passant par Aalberts (équilibrage, raccords, vases d’expansion), Carrier, Duco, EBM PABST (ventilateurs), +GF+ (canalisations et raccords), Luve, les câbles Nexans, le béton préfabriqué de Rector, Trane, Tremco et d’autres.

Si les solutions mises en avant ressemblaient à celles que l’on voit dans les bâtiments tertiaires ou de logements collectifs, elles étaient conçues différemment et packagées en solutions globales, souvent préfabriquées, vendues en conteneur prééquipé, etc. Une seule technologie présentée est parfaitement inconnue en bâtiment : le refroidissement par immersion. Petite revue de détail.

La plomberie technique dans les centres de données

Un centre de données doit être équipé de solutions particulièrement fiables dans tous les domaines, ce qui inclut aussi la plomberie. +GF+ ou GF Piping Systems montrait par exemple toute l’étendue de ses offres pour data centers, rassemblées sous l’ombrelle "GF Industry and Infrastructure Flow Solutions". Elles assurent le transport de l’eau glacée, depuis les groupes froids, l’alimentation en eau du centre, l’alimentation des solutions de refroidissement des racks contenant les serveurs et jusqu’à l’alimentation des solutions de refroidissement par immersion. +GF+ propose des solutions de transport de liquide de -50 °C à +140 °C, jusqu’à 16 bars de pression de fonctionnement et dans des diamètres de 10 à 1.000 mm.

+GF+ propose des canalisations en acier inoxydable, mais mettait aussi l’accent sur son système Cool-Fit 4.0 composé de canalisations en PEHD préisolées : faible poids, incorrodables tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’installateur pose d’un seul coup la canalisation, son isolation thermique et sa jaquette de finition. +GF+ propose naturellement tous les raccords et toutes les vannes manuelles ou motorisées pour accompagner ce système. Canalisations, raccords et vannes sont disponibles du diamètre 32 (1,411 kg/m) au diamètre 450 (55,490 kg/m). © Pascal Poggi pour XPair

Le hollandais Aalberts Flow Control, connu en France pour ses marques Flamco et Comap, proposait une solution Flamco prémontée dans un conteneur maritime demi-format pour assurer le bon fonctionnement des circuits d’eau glacée. Après analyse des besoins du data center, Flamco conçoit et préfabrique l’installation, la livre, la met en service et, si le client le souhaite, assure sa maintenance. Le système contient les pompes, le traitement d’eau en continu, les vases d’expansion, les sondes et vannes motorisées, ainsi que l’électronique de pilotage et la supervision. © Pascal Poggi pour XPair

Victaulic, société américaine, dont le siège est en Belgique et qui possède une succursale française à Lyon, est membre de l’association France Data Center depuis avril 2024. L’entreprise mettait en avant ses classiques raccords et canalisations, utilisables en plomberie, en eau glacée, en chauffage et en lutte anti-incendie. Sa technologie d’assemblage de tuyauteries rainurées, ou concept "rainuré", a vu le jour en 1919, lorsque Victaulic a lancé le premier raccord de tube mécanique destiné à faciliter le déploiement rapide de la tuyauterie pour des applications sensibles. Elle est toujours utilisée aujourd’hui. La rainure est formée à froid ou usinée à l'extrémité du tube à l'aide d'une rainureuse. Les segments de colliers encapsulent complétement un joint et sont assemblés autour de deux extrémités de tube rainuré. Les talons des colliers s'emboîtent dans les rainures. Les boulons et les écrous sont serrés à l'aide d'une clé à douille ou d'une boulonneuse. © Pascal Poggi pour XPair

Câbles, onduleurs, secours et surveillance de l’alimentation électrique

L’installation électrique est tout aussi importante que la distribution d’eau glacée pour le refroidissement du centre de données. Le câblier Nexans montrait son nouveau câble ininflammable de la gamme FR-N1X6G3 Protect. Ce câble a été créé en réponse à la norme XP C32-325, applicable depuis le 23 mai 2025. Elle exige, pour une installation ou une modification des circuits électriques en ERP (établissement recevant du public) et en IGH (immeuble de grande hauteur), que les câbles ne propagent pas l’incendie, autrement dit qu’ils atteignent l’Euroclasse Cca-s2,d2,a2. Certes, un data center n’est pas un IGH ni un ERP, mais un câble électrique qui ne propage pas un feu est particulièrement intéressant dans une telle installation.

Le câble FR-N1X6G3 de Nexans est fabriqué en France, dans l’usine d’Autun () et il est déjà commercialisé dans divers diamètres. Sa gaine est en polyéthylène et en ATH (hydroxyde d’aluminium trihydrate), baptisé "eau en poudre". Porté à 200 °C, l’ATH dégage de l’eau et arrête l’incendie. © Pascal Poggi pour XPair

Une bonne douzaine d’exposants proposaient des solutions de monitoring de la qualité de l’alimentation électrique, dont le français Socomec. Son objectif est d’éliminer dans les data centers les temps d’arrêt causés par l’installation électrique : redondance des chemins d’alimentation en rack en 16 et 32 A, ASI (alimentation sans interruption) de forte puissance en 1.000, 1.200 kVA et jusqu’à 2 MW. Ses solutions permettent également de calculer le PUE du centre : Power Usage Efficiency, autrement dit l’efficacité énergétique de l'installation. © Pascal Poggi pour XPair

ABB est venu avec toute une panoplie de solutions. Ses onduleurs HiPerGuard assurent une alimentation stabilisée jusqu’à une tension de 35 kV. La gamme offre une puissance évolutive de 2,5 à 25 MW ainsi qu'une architecture modulaire, et elle supprime la nécessité d’onduleurs basse tension. Son système d’alimentation ASI MegaFlex DPA offre des puissances jusqu’à 2 MW.

Son nouveau tableau modulaire isolé dans l’air sans hexafluorure de soufre (SF6), UniSec Air, est conçu pour la distribution moyenne tension secondaire HTA jusqu'à 24 kV. Ses tableaux MNS offrent des solutions complètes en intégrant une distribution d’énergie fiable, une surveillance conditionnelle et une gestion énergétique avancée. Ils garantissent une alimentation ininterrompue des équipements informatiques critiques et prennent en charge l’ensemble de l’infrastructure électrique – des UPS jusqu’aux serveurs et à l’alimentation de secours.

Grâce à CMES (Condition Monitoring for Electrical Systems), les tableaux MNS assurent une surveillance continue et une maintenance proactive, réduisant ainsi les arrêts imprévus et augmentant la fiabilité des systèmes d’alimentation. De plus, les fonctions avancées de gestion de l’énergie optimisent la consommation, réduisent les coûts et contribuent à atteindre les objectifs de durabilité, autrement dit ils optimisent le PUE.

En ce qui concerne le secours électrique lors d'une panne du réseau, on a vu au Tech Show Paris à la fois (des maquettes) d’énormes groupes électrogènes de plusieurs mégawatts et une offre considérable de stockages d’électricité en batteries répartis dans le data center. Il s’agit de batteries Lithium-Ion et de batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphates) peu inflammables. © Pascal Poggi pour XPair

Le chinois Vision présentait des modules de piles à combustible pour le secours électrique. Ils sont directement alimentés en hydrogène, il faut donc un stockage. © Pascal Poggi pour XPair

La production d’eau glacée

Plusieurs grandes marques, dont Daikin et Carrier, mettaient en avant des solutions globales pour la production et la gestion de l’eau glacée dans les centres de données. Daikin France a même constitué une BU (Business Unit) spécifique pour ce marché. Le constructeur propose notamment des groupes de production d’eau glacée air/eau de 150 à 1.950 kW de puissance unitaire, tous équipés pour maximiser le free-cooling (arrêt des compresseurs et fonctionnement par échange de chaleur direct avec l’air extérieur). Daikin propose également ses unités de traitement d’air Pro-W Crah de 200 à 700 kW.

Daikin propose des groupes d’eau glacée avec free-cooling, des unités de ventilation et tous les systèmes de supervision nécessaires. © Pascal Poggi pour XPair

Carrier a créé la gamme de solutions QuantumLeap pour les data centers, dont l’entreprise assure la conception, la fabrication, l’installation et, si le client le souhaite, le suivi et la maintenance. QuantumLeap fait aussi la part belle au free-cooling et se compose de refroidisseurs à condensation par air ou par eau, de groupes de récupération de chaleur fatale, de centrales de traitement d’air, d’aéroréfrigérants, d’unités de refroidissement (CDU), d’armoires de refroidissement pour le traitement en salle (Crah) et de systèmes de gestion et de supervision à la fois du bâtiment et de l’infrastructure hydraulique du centre de données.

Les groupes de production d’eau glacée à compresseurs scroll AquaSnap 30RBP de Carrier vont de 200 à 1.200 kW, ses groupes à compresseurs à vis AquaForce 30XF couvrent la plage de 390 à 2.100 kW. Toutes deux utilisent le HFP R-1234ze. Ses offres de groupes eau/eau AquaEdge 19DV (compresseurs centrifuges) et AquaForce 30XWV-ZE (compresseurs à vis) sont à vitesse variable et font appel au HFO R-1234ze our au R-515B classé A1. © Pascal Poggi pour XPair

Luve et Trane exposaient leurs gammes air/eau ou eau/eau spécifiquement destinées aux centres de données. Sur le stand Fläkt qui proposait ses unités de froid terminales de 200 à 1.200 kW, nous avons appris au passage que l'entreprise appartient désormais au Groupe Samsung : initiée début 2025 pour 1,5 milliard d'euros, l’acquisition a été finalisée le 5 novembre. Les filiales de FläktGroup feront également partie de Samsung Electronics, notamment Woods Air Movement, qui fournit des systèmes de ventilation et de sécurité incendie, Semco, spécialisée dans les solutions de traitement et de circulation de l'air, et SE-Elektronic, qui fournit des systèmes d'automatisation avancés sur mesure.

Grâce à cette acquisition, Samsung développera l’activité CVC comme levier stratégique de croissance au sein de sa division DX (Device eXperience). La société prévoit d'investir dans les solutions génie climatique pour les applications commerciales et de se développer dans des secteurs à forte croissance tels que les centres de données d’IA.

De plus, en intégrant les systèmes de contrôle avancés de FläktGroup aux plateformes de gestion des bâtiments de Samsung, telles que SmartThings Pro et b.IoT, Samsung explorera de nouvelles opportunités dans les domaines des bâtiments intelligents et de la performance énergétique. Bref, on verra peut-être des solutions Fläkt pilotables à la voix et raccordées en Matter sur Thread.

Le refroidissement par immersion

Plusieurs fabricants, dont Midas Immersion Cooling et Lowara Xylem, proposaient du refroidissement par immersion, qui, pour le coup, est parfaitement inconnu dans le monde du CVC classique. Cela consiste tout simplement à immerger les composants électroniques dans des bains de liquide conducteur de chaleur, mais non conducteur d’électricité. L’efficacité du liquide est nettement supérieure à celle de l’air.

Midas Immersion Cooling, par exemple, estime que sa solution d’immersion aboutit à une économie d’énergie de 45 % par rapport au refroidissement par distribution d’air dans les baies de serveurs, une réduction d’encombrement de 60 % à puissance de calcul identique et une réduction de 51 % en termes d’investissement dans le système de refroidissement.

Naturellement, il faut que le data center soit conçu pour cela : les serveurs sont suspendus verticalement dans la solution liquide, au lieu d’être empilés horizontalement. Les liquides diélectriques utilisés sont soit des hydrocarbures (des huiles minérales ou biologiques), soit des fluorocarbones.

L’américain Midas Immersion Cooling propose des unités abritant 12 ou 50 serveurs de 19 ou 21 pouces en refroidissement par immersion, dont la puissance d’absorption atteint 150 kW. © Pascal Poggi pour XPair


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