Possible suspension de Ma prime rénov' : les professionnels s'insurgent

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 4 juin 2025
Crédit photo iStock/artursfoto
Travaux d'isolation des combles.
ÉCONOMIE. En quête d'économies budgétaires, le Gouvernement envisagerait de mettre en pause le dispositif d'aide à la rénovation énergétique dès le mois de juillet 2025. Les acteurs du bâtiment, du génie climatique et de l'énergie sont vent debout.

C'est une nouvelle qui a fait l'effet d'une bombe. Nos confrères du Parisien ont annoncé dans leurs colonnes du 3 juin 2025 que le Gouvernement, désespérément à la recherche de 40 milliards d'euros d'économies pour le budget 2026, prévoyait de suspendre Ma prime rénov' dès le mois de juillet, "et au moins jusqu'à la fin de l'année". Selon TF1/LCI, "l'entourage du Premier ministre" François Bayrou aurait indiqué que "tout est sur la table". Il n'en fallait pas plus pour faire sortir les professionnels, déjà tendus par la conjoncture morose, de leurs gonds.

"On ne peut pas appeler à accélérer la rénovation énergétique et, dans le même temps, saboter un des seuls outils qui fonctionne !", s'agace Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), à laquelle appartient l'Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie (UMGCCP). Si pour l'instant ce gel du dispositif d'aide à la rénovation énergétique n'a été ni confirmé ni infirmé, la fédération prévient que sa concrétisation serait "incompréhensible et inadmissible", pointant le risque de cassure de "la dynamique de décarbonation engagée".

La confirmation de cette annonce "enverrait un nouveau signal négatif (...) à l'industrie du chauffage, dont l'activité repose en partie sur la rénovation".

- Régis Luttenauer, directeur général France de Saunier Duval

Même son de cloche au sein de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui englobe son Union des métiers de la couverture et plomberie-chauffage. Son président, Jean-Christophe Repon, s'interroge : "S'agirait-il d'un simple gel temporaire ou d'une refonte complète du dispositif en 2026 ?"

Dans tous les cas, "les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité", poursuit-il. D'après la Capeb, le budget alloué à Ma prime rénov' pour 2025 serait aujourd'hui entamé à hauteur de 1,3 milliard d'euros (sur un total de 3,4 milliards), et "seules" 100.000 rénovations énergétiques seraient engagées à date, "sur une capacité de 300.000".

Dans l'attente de "signaux clairs"

Certains industriels du génie climatique ont également réagi. C'est le cas du Groupe Vaillant, qui juge, par la voix de son directeur général France Régis Luttenauer, que la confirmation de cette annonce "enverrait un nouveau signal négatif aux acteurs du bâtiment, en particulier à l'industrie du chauffage, dont l'activité repose en partie sur la rénovation". L'entreprise présente la production de pompes à chaleur comme "une filière industrielle stratégique" et "d'excellence française", et craint que la suspension de MPR ne freine le développement de cette "solution mature".

Le dirigeant attend désormais de l'État des "signaux clairs" et espère, au mieux, un maintien du dispositif "jusqu'à la fin de l'année" avant qu'il ne soit adapté "pour mieux répondre aux enjeux de la rénovation énergétique". Au contraire, si MPR devait s'arrêter pour être remplacée par les CEE (certificats d'économie d'énergie), "nous aurions besoin d'avoir le plus rapidement possible une visibilité pour 2026-2027", alerte Régis Luttenauer.

"Ce nouveau zigzag est surréaliste."

- Enerplan

"Ce nouveau zigzag est surréaliste", fustige en outre le syndicat des professionnels de l'énergie solaire, Enerplan, dans une publication LinkedIn. Pour l'organisation, "les politiques de transition doivent être des politiques de temps long, stables et solides, pour que tous les acteurs puissent suivre le cap".

En tant que co-signataire d'un "manifeste pour la rénovation énergétique du logement", elle annonce qu'elle rencontrera ce 6 juin le cabinet d'Éric Lombard, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, non seulement pour lui présenter le document, mais aussi pour l'inciter "à renoncer à toute suspension de MPR".

Envisager une "programmation pluriannuelle du financement de la rénovation" ?

Entre autres réactions, le collectif Rénovons, qui rassemble de nombreux acteurs du bâtiment et de l'énergie (voir encadré ci-dessous), demande au Gouvernement "de mettre les moyens financiers à la hauteur des ambitions et de s'engager à instruire et financer l'intégralité des demandes d'aide à la rénovation énergétique, d'ores et déjà déposées et à venir, pour 2025". Il appelle par ailleurs à une "programmation pluriannuelle du financement de la rénovation énergétique", de sorte à garantir la stabilité des dispositifs aussi bien auprès des particuliers que des professionnels.

Enfin, le spécialiste de l'énergie Hellio propose dans le contexte actuel de "poursuivre la stabilité réglementaire engagée en 2025" et de "garantir une vision à long terme". L'entreprise préconise aussi d'assurer "le même niveau d'information sur l'ensemble du territoire pour garantir une égalité dans l'accès au service public" et de "faire du notaire le tiers de confiance d'un projet de rénovation énergétique", tout en luttant "de manière efficace contre la fraude".

Les membres du collectif Rénovons : Effinergie, Secours Catholique-Caritas France, Dorémi, Réseau Cler, Oxfam France, Fédération des agences locales de l'énergie et du climat, France Nature Environnement, Fondation pour le logement, Amorce, Le Mur Manteau, Fédération Soliha, Isolons la terre contre le CO2, Ithaque, Association des consultants en aménagement et développement des territoires, Coénove, Serafin, Agir pour le climat, Knauf, Réseau Action Climat, Institut Négawatt, Association Négawatt et Christian Cardonnel Consultant.


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