Le solaire thermique individuel "définitivement pas dans la bonne dynamique"

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 3 septembre 2025
© iStock/Eva Blanco
Illustration d'un technicien installant des panneaux solaires photovoltaïques sur le toit d'une maison.
ANALYSE. Tous les segments de marché du solaire thermique individuel ont enregistré de lourdes baisses en 2024. La filière s'écarte fortement des objectifs nationaux fixés en la matière.

Le marché du solaire thermique individuel a souffert en 2024, enregistrant même sa première baisse d'activité depuis 2020. Quelque 55.295 m² d'installations ont été posées en France métropolitaine l'année dernière, soit une lourde baisse de 43 % par rapport à 2023, où elles avaient culminé à 96.900 m². La filière retrouve ainsi son niveau d'activité de 2020.

Publié à l'été 2025, le suivi du marché 2024 des applications solaires thermiques individuelles réalisé par Observ'ER (Observatoire des énergies renouvelables) avec le soutien de l'Ademe (Agence de la transition écologique) se base sur les ventes communiquées par une quarantaine de fabricants et importateurs, ainsi que sur les données remontées par les observatoires régionaux de l'énergie et les directions régionales de l'agence.

Celles-ci montrent une chute de 36 % du marché des chauffe-eau solaires individuels (Cesi) classiques, dont le marché, exprimé en mètres carrés, est tombé de 28.900 à 18.500 entre 2023 et 2024.

D'une manière générale, l'année dernière a "été mauvaise pour les marchés des équipements ENR thermiques destinés aux particuliers", résume le rapport, qui note au passage que "les pompes à chaleur comme les appareils de chauffage au bois ont également subi un net ralentissement", la faute à "la persistance de la crise économique, l'instabilité politique du pays et les révisions du dispositif MaPrimeRénov'" qui ont découragé les ménages à investir.

"Rupture de la dynamique" pour les chauffe-eau solaires

Arrivés sur le marché hexagonal en 2020, les chauffe-eau solaires thermiques auto-stockeurs, qui associent un capteur solaire à une cuve d'eau chaude tampon-accumulateur d'énergie, dans lequel est placé un échangeur thermique contenant un fluide caloporteur, sont aussi à la peine.

Plutôt destinées aux régions les plus ensoleillées, ces installations se sont effondrées de 56 % entre 2023 et 2024, passant de 29.420 à 12.935 m². Une évolution qui s'explique, d'après l'étude, par leur sortie du périmètre de MPR en septembre 2024. Qu'il s'agisse de Cesi classiques (59 % de part de marché) ou de Cesi auto-stockeurs (41 %), la nette diminution des ventes traduisent dans tous les cas "une rupture de la dynamique de la filière en 2024".

Le recul est moins violent pour les systèmes solaires combinés (SSC), avec "seulement" -16,4 % entre 2023 et 2024 sur un marché qui est donc passé de 21.850 à 18.260 m². Il n'empêche que ce segment marque ainsi sa première baisse d'activité depuis 2017.

Son évolution est toutefois difficilement comparable avec les autres systèmes de chauffage individuel, tels que les Pac ou les chaudières gaz, dans la mesure où les SSC ont besoin d'une énergie d'appoint pour fonctionner. "Le couplage solaire + énergie d'appoint constitue une alternative possible, mais ce marché demeure encore très marginal", relève Observ'ER.

Les restrictions d'éligibilité à MaPrimeRénov' ont joué un rôle

Les capteurs solaires hybrides (qui combinent des panneaux photovoltaïques avec des technologies utilisant leur énergie thermique pour chauffer un logement) font également les frais d'une conjoncture très difficile, perdant 67 % entre 2023 et 2024. Le marché global est passé de 16.730 à 5.600 m², pour une puissance électrique de 1.220 kilowatts.

Il s'agit en réalité des chiffres des capteurs dits hybrides à eau (PVT/eau), dont la montée en puissance était régulière depuis 2021 mais qui rencontraient déjà des difficultés depuis trois ans. Aucun volume n'a été remonté concernant l'autre marché des capteurs solaires hybrides, les systèmes aérovoltaïques (PVT/air).

Ce segment dégringolait depuis 2018 et ne représentait déjà plus que de faibles volumes en 2022. "La sortie de ce type de capteurs de MPR en 2020 a accéléré la chute du secteur", selon le rapport, qui, plus largement, estime que "le mouvement qui, à la sortie des confinements de 2020, avait porté les marchés des applications d'ENR pour les particuliers, semble désormais épuisé".

Au regard de ces très mauvais chiffres, la filière du solaire thermique individuel "n'est définitivement pas dans la bonne dynamique" ni "en phase" avec la Stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec) qui table, elle, sur "une forte montée en puissance du solaire thermique, avec notamment une multiplication par trois du marché des applications individuelles".

Recul général en Union européenne

En métropole, la production d'énergie de la filière a été évaluée à 1,64 térawattheure pour l'année 2024. Loin de l'objectif de 6 TWh fixé pour 2030, et encore plus de celui de 10 TWh pour la fin 2035. Pour parvenir à ce résultat, il faudrait tripler le marché du résidentiel individuel (Cesi et SSC), porter à 100.000 m² celui du solaire en logement collectif, tertiaire et petite industrie, et à 1 million de m² les surfaces dédiées aux réseaux de chaleur et solaire thermique dans l'industrie.

Mais la situation n'est guère meilleure chez nos voisins. Avec 180.335 m², la France se classe quatrième sur le marché européen des applications solaires thermiques individuelles et collectives, derrière l'Italie (244.500 m²), l'Allemagne (268.000 m²) et la Grèce (461.000 m²). Ce dernier a d'ailleurs eu tendance à se contracter durant ces dernières années.

"Alors qu'en 2008, plus de 4,62 millions de mètres carrés de capteurs avaient été installés au sein des pays de l'Union européenne, ce chiffre n'a pratiquement jamais cessé de se réduire pour s'établir à 1.244.519 m² en 2024, soit un recul de 73 %", constate Observ'ER. La faute à un changement de priorités : "Le secteur solaire thermique a évolué dans un contexte européen où les ENR thermiques ont généralement eu moins de soutien que les filières renouvelables électriques, et la très forte montée en puissance des Pac aérothermiques a laissé peu de place pour les équipements solaires".


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