Fuites de HFC, économies d'énergie : l'IA va-t-elle changer "la manière de travailler des frigoristes" ?

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 1 octobre 2025
© Corentin Patrigeon pour XPair
De droite à gauche : Paul Minssieux, directeur intraprises support de Clauger ; Marion Lazzaroto, responsable marketing digital et CX de Matelex ; Brice Tréméac, directeur de l'Iffi du Cnam.
DÉCRYPTAGE. Séduits par le développement de l'IA dans leurs applications, les frigoristes doivent composer avec les enjeux de formation et de sécurité des données qui en découlent. Certains considèrent que cette "révolution" engendrera autant de gains économiques qu'écologiques pour la filière.

L'intelligence artificielle s'invite dans tous les débats... y compris ceux du génie climatique ! Alors que des professionnels de la GTB estiment qu'un renforcement de l'expertise humaine doit être le corollaire d'une bonne intégration de la machine, les acteurs du froid sont à l'inverse beaucoup plus enthousiastes. Plusieurs d'entre eux ont échangé à ce sujet lors d'une conférence organisée sur le salon Sifa ce 1er octobre 2025 à Paris.

"Il faut accompagner les professionnels dans ces nouveaux usages", plaide Paul Minssieux, le directeur intraprises support de Clauger. Mais la sensibilisation doit commencer dès la formation initiale, d'après Brice Tréméac, à la tête de l'Iffi (Institut français du froid industriel et du génie climatique) du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) : "Il faut aussi s’assurer que les compétences en informatique sont bien acquises. Et ce n’est pas l’outil qui pose problème, c’est son utilisation – il faut de l’esprit critique !"

"La banque de HFC est aujourd’hui encore très importante, et l’objectif de nos outils est précisément d’identifier les fuites de GES pour les régler."

- Marion Lazzaroto, responsable marketing digital et CX de Matelex

L'entreprise Matelex, spécialisée dans l'amélioration des performances des installations de réfrigération, intègre l'IA dans des outils censés faire gagner du temps et de l'efficacité aux acteurs du froid. "Cela change la manière de travailler des frigoristes avec leurs clients utilisateurs finaux", assure sa responsable marketing digital et CX, Marion Lazzaroto. Pour elle, la prochaine étape consistera à "faire évoluer les instances réglementaires pour ensuite faire évoluer les textes et les outils, puis les contrats".

Utiliser l'IA pour identifier les fuites de HFC

Car tous les clients des frigoristes n'ont évidemment pas le même niveau technique, les mêmes besoins ou encore les mêmes envie. L'IA générative se distinguerait alors par sa capacité à "transformer du texte pour le faire correspondre aux besoins du client", ce qui permettra d'"impliquer l’ensemble des clients, d'améliorer les échanges avec eux et d'établir les meilleurs points d’action", veut croire Paul Minssieux. Et quid de l'impact énergétique et environnemental d'une IA qui serait déployée tous azimuts ?

Les intervenants ont balayé le sujet d'un revers de la main. "L’IA et l’Internet des objets sont au service de l’environnement !", clame Marion Lazzaroto. "La banque de HFC est aujourd’hui encore très importante, et l’objectif de nos outils est précisément d’identifier les fuites de GES pour les régler. L’IA pollue, c’est vrai, mais on devrait rationaliser cela dans les années à venir, et aujourd'hui ce sont déjà des milliers de tonnes équivalent CO2 qui ont été économisés grâce à elle."

"On peut accumuler beaucoup de données mais si on n’a pas l’expert capable de les analyser, ces données deviennent brouillonnes."

- Paul Minssieux, le directeur intraprises support de Clauger

Un constat volontariste partagé par Paul Minssieux : "Oui, l’IA consomme énormément d’énergie mais elle dispose d’un réel potentiel". Le responsable de Clauger mise sur un effet "booster" qui amplifierait dans les prochaines années les économies d’énergie permises par l’utilisation des différents modèles. "Je pense que tout le monde n’est pas fait pour utiliser des outils IA très complexes", tempère toutefois Brice Tréméac. "On peut par exemple imaginer qu’un artisan reçoive une alerte sur son smartphone et intervienne ensuite sur la machine. Mais tout le monde ne fera pas du développement IA à partir de données."

Sécurité et confidentialité

Au contraire, l’IA serait accessible et utilisable par tous, mais ce serait sur le plan de l'expertise que tout se jouerait, rebondit Paul Minssieux. "On peut accumuler beaucoup de données mais si on n’a pas l’expert capable de les analyser, ces données deviennent brouillonnes", admet-il, avant de souligner que "les fabricants vont venir soutenir les artisans pour mettre en place ces outils, qui vont être mis progressivement à disposition de la profession".

Selon le représentant de Clauger, les gains de productivité de ses équipes épaulées par l'IA oscilleraient en moyenne entre 10 et 20 %, et pourraient même atteindre les 50 %. Mais cela passe par une sensibilisation des utilisateurs, notamment sur le fait qu'utiliser une IA grand public et gratuite soulève des questions légitimes de confidentialité des données.

"Les enjeux de sécurité et de transparence avec l’utilisateur final sont importants pour le propriétaire de l’équipement connecté qui génère de la donnée", confirme Marion Lazzaroto. Chez Matelex, la protection des données passe, entre autres, par des réseaux 4G sécurisés, des tunnels VPN ou encore des mots de passe spécifiquement dimensionnés.

Un avantage compétitif indéniable... vraiment ?

Mais si l'on part du principe qu'une installation fonctionne correctement l'écrasante majorité du temps, entraîner des modèles d'IA pour alerter sur des dysfonctionnements ponctuels en vaut-il vraiment la peine ? Toujours est-il que l'ensemble des intervenants s'accordent à considérer l'intelligence artificielle comme un avantage compétitif indéniable. "Beaucoup de sociétés ne savent pas comment se lancer dans la course à l’IA et toutes ne pourront pas être des spécialistes, mais il est encore temps", insiste Paul Minssieux.

"L’IA est un élément différenciant, déterminant. C'est une révolution, avec d’énormes investissements ; ce n’est pas juste une bulle qui va exploser dans quelques mois, mais elle demande un temps d’acculturation." Même si elle peut permettre des gains économiques, l'IA doit néanmoins, à l'heure de l'urgence climatique, encore faire ses preuves sur les plans énergétique et environnemental. Sans oublier son rôle social et son intégration dans le monde du travail... Le sujet n'a donc pas fini de faire parler de lui.


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