Après l'annonce de la baisse du coefficient d'énergie primaire, les critiques s'enchaînent

Par   Corentin PATRIGEON

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Mis à jour le 11 juillet 2025
Publié le 10 juillet 2025
chaudière gaz
© iStock/ronstik
Illustration d'un technicien intervenant sur une chaudière.
RÉACTIONS. De nombreuses organisations professionnelles déplorent la décision de Matignon d'abaisser cet indicateur utilisé pour calculer le DPE. Certains pointent les conséquences de cette modification sur la transition énergétique des territoires ruraux.

Une quasi-unanimité contre la baisse du coefficient d'énergie primaire (Cep). Au lendemain de l'annonce par Matignon du réajustement de cet indicateur utilisé dans le calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui devrait être effectif au 1er janvier 2026, la majorité des professionnels déplorent la décision gouvernementale. C'est notamment le cas de la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), qui y voit "un signal contraire aux principes de mixité énergétique et de rénovation performante".

Dans un communiqué, elle considère que l'évolution à la baisse du Cep "est de nature à pénaliser les artisans engagés dans la mise en œuvre de solutions techniques variées, adaptées aux besoins des bâtiments et aux réalités locales". D'autant que la sortie de 850.000 logements du statut de passoire thermique "sont autant de chantiers en moins pour les entreprises artisanales du bâtiment, qui subissent déjà un fort repli de leur activité".

Augmentation du risque de "black-out"

Mettre l'accent sur l'électrification des usages, "sans corriger les défauts structurels du bâti", reviendrait ainsi à "freiner l'élan collectif nécessaire à la réussite de la transition énergétique". Même son de cloche du côté de l'association Coénove, qui milite pour la complémentarité des énergies dans le bâtiment, et qui va même jusqu'à parler du "tripatouillage politique" d'un "outil scientifique".

Pour étayer son argumentaire, elle cite un rapport de la Cour des comptes consacré au DPE et daté de juin 2025 : "Il n'est pas possible de se chauffer directement avec de l'énergie nucléaire. L'existence d'un coefficient de conversion en énergie primaire plus défavorable pour l'électricité est donc le reflet de principes thermodynamiques." D'après elle, la décision du Premier ministre François Bayrou revient à favoriser des systèmes énergétiques peu performants dans un secteur "fortement thermosensible", et donc à augmenter le risque de "black-out" lors des pointes électriques hivernales.

"C'est une décision techniquement contestable, socialement injuste et environnementalement contreproductive. Cela revient, par un tour de passe-passe réglementaire, à dissimuler la précarité énergétique sans action réelle", fustige le président de Coénove, Jean-Charles Colas-Roy, qui dénonce une "mesure inique". Et d'appeler le Gouvernement à mener une "concertation approfondie avec la filière" doublée d'une "analyse d'impact" sur "les trajectoires de rénovation, d'électrification des usages et de sécurité du réseau".

"On ne peut pas appliquer la même solution à tout le monde"

Demande partagée par l'association France Gaz Liquides, qui regroupe les acteurs des gaz et biogaz liquides (butane, proprane, bioGPL, biopropane...) et qui attire pour sa part l'attention sur "la déconsidération des besoins réels des territoires ruraux" induite par cette mesure.

Sur la base d'une étude menée avec le laboratoire Persée de l'École des Mines Paris-PSL, elle souligne que "les zones rurales représentent environ un tiers des logements en France, soit 12 millions de logements, avec près de 93% de maisons individuelles anciennes, mal isolées, avec une superficie élevée, dont 30% de passoires thermiques", et où "35% des ménages y sont touchés par la précarité énergétique".

La même étude démontrerait "qu'il y a une diversité de situations très grandes dans les communes rurales et qu'on ne peut donc pas appliquer la même solution à tout le monde, comme par exemple la pompe à chaleur", souligne Yassine Abdelouadoud, chercheur au laboratoire et auteur de l'étude. "Pour réussir cette transition, il faut conserver, tout en les décarbonant, une pluralité de vecteurs énergétiques", ajoute-t-il, mentionnant notamment la Pac hybride.

France Gaz Liquides interpelle donc les pouvoirs publics sur le principe de "neutralité technologique", qui consiste à prendre en considération l'ensemble des énergies disponibles, en réitérant le fameux credo "la bonne énergie, au bon coût et bon endroit".


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