Mieux que la résilience du bâtiment, la robustesse du bâtiment !
Dans un livre récent intitulé "Post-carbone [1]", l’économiste Gaël Giraud propose de construire nos lendemains autour du principe de solidité, au lieu de celui de croissance qui domine aujourd’hui. La solidité évoque un socle immobile, un roc, du granit capable de résister à toutes les tempêtes, mais la fable du chêne et du roseau nous met en garde. La souplesse peut être une meilleure arme pour tenir face aux épreuves dont une bonne part est imprévisible. Plus subtile, la robustesse est sans doute un principe plus efficace pour affronter les inconnues du monde de demain.
"L’optimisation, le Graal des entreprises ultraperformantes, provoque souvent des spécialisations, des simplifications, des automatismes, des rythmes ou des cadences calculées au plus juste, que les évènements peuvent contrarier."
Le vivant en donne un bon exemple, lui qui a traversé des millénaires avec tous les changements climatiques, géologiques, atmosphériques qui ont marqué les différentes ères du primaire au quaternaire, et jusqu'à aujourd’hui, que certains appellent l’anthropocène. La coopération au sein des écosystèmes en est une des premières caractéristiques, avec la recherche de complémentarités, mais nous trouvons aussi dans la nature des redondances et des hétérogénéités, voire un semblant de désordre qui ont permis de s’adapter à des situations contrastées et à des changements profonds.
Rechercher la robustesse dans les choix d’urbanisme
La robustesse revêt plusieurs formes : participer à un réseau, avoir plusieurs cordes à son arc, accepter de ne pas être le meilleur dans un domaine pour se diversifier et se donner plus de garanties et de possibilités d’explorer des voies nouvelles, avoir une certaine ouverture d’esprit, etc.
Curieusement, la recherche absolue de la performance conduit à la perte de robustesse. L’optimisation, le Graal des entreprises ultraperformantes, provoque souvent des spécialisations, des simplifications, des automatismes, des rythmes ou des cadences calculées au plus juste, que les évènements peuvent contrarier. Les meilleurs pur-sang vont très vite, mais ils sont fragiles. La monoculture permet d’obtenir de hauts rendements, mais la moindre crise, sanitaire, de cours des matières premières, des systèmes de transport ou géopolitique peut mettre en péril l’exploitation.
L’habitat, l’aménagement du territoire, la conception des immeubles, autant de questions au long cours qui sont particulièrement concernées par la robustesse. C’est là où le terme "durable" prend tout son sens. La question du climat, avec ses conséquences sur le régime des eaux notamment, impose de rechercher la robustesse dans les choix d’urbanisme. Par exemple, préférer composer avec l’eau, en faire un élément positif intégrant les fluctuations des niveaux et des courants, plutôt que lui opposer des barrages et multiplier des canalisations qui n’apporteront jamais de sécurité absolue.
L'adaptabilité, une vertu encore plus cardinale aujourd'hui
Une culture de coopération entre les villes et les campagnes environnantes ouvrira des possibilités inconcevables si chacune reste isolée. La "ville éponge" ne fonctionne pas dans une campagne imperméabilisée. "Faire avec le plus possible, contre le moins possible", nous dit le paysagiste Gilles Clément. Le retrait du trait de côte, notamment, offre un bon exemple de la nécessité d’une large approche territoriale pour s’adapter à la nouvelle configuration qui s’annonce.
Quant aux bâtiments, l’adaptabilité a toujours été une vertu cardinale, et elle l’est encore plus en ces temps de mutation rapide de la société. Aux questions climatiques ou extérieures en général, s’ajoutent celles d’ordre culturel, de mode de vie, de composition des ménages, de vieillissement, de télétravail, etc.
La robustesse est de leur donner la capacité d’évoluer en continu, ce qui suppose des choix dans les modes constructifs, mais aussi de dialogue avec les occupants dans toute leur diversité. Flexibilité et évolutivité deviennent des éléments de robustesse, à imaginer tant au plan matériel, le "hard", qu’aux plans juridique et culturel, le "soft", pour une gestion elle-même adaptée du bâtiment.
La robustesse en premier, la performance viendra ensuite.
[2] Auteur notamment de "De l'incohérence : philosophie politique de la robustesse", Éditions Odile Jacob, 2024
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