Biométhane, hydrogène : à quand le passage à l'échelle des gaz renouvelables ?

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 25 septembre 2025
© iStock/olrat
Un méthaniseur produisant du gaz renouvelable, en France.
DÉCRYPTAGE. Réunis en congrès à Paris, les gaziers ont rappelé que les infrastructures actuelles peuvent accueillir les nouvelles molécules renouvelables, mais que celles-ci ont encore besoin d'aide pour passer à l'échelle. Sur le plan financier bien sûr, mais pas seulement.

Innover, c'est bien ; industrialiser les innovations, c'est mieux. Lors de son intervention au congrès de l'association France Gaz ce 25 septembre 2025 à Paris, la directrice générale d'Engie, Catherine MacGregor, a notamment appelé ses collègues à réaliser "les adaptations qui s’imposent pour maintenir un coût de l’infrastructure le plus abordable possible". Car des innovations semblent en effet incontournables pour rendre la transition du gaz compétitive.

Pour la secrétaire générale de NaTran, Adeline Duterque, ces innovations sont pour l'essentiel "des innovations d’industrialisation. On va devoir accentuer nos travaux sur la digitalisation, sur les capteurs intelligents, les vannes contrôlées à distance, la modélisation des flux…" Du côté du Lab Crigen d'Engie R&I, on planche par exemple sur "des solutions de quantification du méthane, en termes de volumes et de sources, permettant de déployer des solutions ciblées", embraye sa directrice, Estibaliz Gonzalez Ferrer.

L'innovation peut toutefois prendre aussi d'autres visages. "Technologiquement, nos solutions sont assez matures. L’innovation économique est plutôt dans l’approche holistique au niveau territorial, afin de trouver le montage permettant de rendre les projets viables et durables, aussi bien pour les industriels que pour les collectivités", analyse Anne Le Guennec, directrice de la zone technologies de l'eau de Veolia.

"Prouver que ces sujets peuvent être dérisqués"

Pour un fonds d'investissement comme Demeter, l’injection du biométhane dans le réseau, le transport des gaz renouvelables, la décarbonation de l’industrie et le verdissement des infrastructures constituent les quatre principaux axes. "Il faut expliquer aux industriels le rôle sous-jacent de l’innovation", relève son directeur général, Antoine Troesch. E-méthane, hydrogène vert, pyrogazéification, gazéification hydrothermale... "Nous devons leur prouver que ces sujets peuvent être dérisqués."

Des solutions existent pourtant déjà. "Il y a quelques mois, on a mis en service une première installation industrielle dans le Nord de la France pour montrer qu’on est capable de traiter du CO2 issu de la méthanation et d'injecter du biogaz dans les réseaux", relate Vincent Guerré, à la tête d'Enosis. Pour lui, "il existe donc aujourd’hui en France au moins une installation industrielle prête à être répliquée".

Sauf que des freins à l'innovation demeurent. "Il y a d’abord le coût, notamment d'accès à l’électricité, et ensuite le passage à l’échelle des électrolyseurs", répond Adeline Duterque. Idem pour les systèmes de capture du CO2, pour lesquels seule une augmentation de la taille des infrastructures pourrait permettre une baisse des coûts.

Des partenariats avec les collectivités et les industriels

Chez Veolia, "on considère que le passage à l’échelle passe par l’agglomération de solutions locales et compétitives, ce qui implique trois piliers : le partenariat avec la collectivité, qui doit aussi être engagée ; le partenariat avec l’industriel ; et l’innovation", complète Anne Le Guennec. D'après elle, "on arrive à le faire avec les modèles actuellement à notre disposition, qui sont donc applicables partout, à condition que ce réseau de partenaires se mobilise".

Antoine Troesch recommande pour sa part de se tourner vers la Banque européenne d'investissement (BEI) et sa filiale dédiée au financement des PME, le FEI (Fonds européen d'investissement). Mais les obstacles ne sont pas que financiers.

Selon Vincent Guerré, la filière gaz est confrontée à "une injonction contradictoire : elle doit produire des innovations mais celles-ci doivent s’insérer dans un système déjà établi". Il estime par conséquent que le développement des molécules renouvelables et de leurs adaptations industrielles devrait pouvoir bénéficier d'un cadre réglementaire adéquat mais aussi d'une "vision politique" et d'"un alignement des visions stratégiques". Ce qui ne caractérise pas vraiment la politique énergétique française à l'heure actuelle.


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