Pourquoi et comment utiliser l’eau, ou R718, comme fluide frigorigène

Pour bien comprendre les enjeux de l’emploi des fluides naturels, qui par définition échappent à la règlementation F-Gaz, nous avons demandé l’avis de Mathieu Guiet du Pôle Cristal, un centre de R&D et d’innovation spécialisé en thermique et labellisé par l’État. Ses clients sont principalement des industriels pour lesquels il réalise de la recherche, des prestations techniques et du conseil en innovation. Naturellement, dans le monde de la thermodynamique, la question des fluides est devenue centrale dans la recherche et le développement des nouveaux produits.
L’eau, l’air, le propane, le butane, l’ammoniaque et le CO2
L’eau R718, apparaît séduisante : un GWP ou PRP (potentiel de réchauffement planétaire) nul et un OPD (Ozone Depletion Potential, ou contribution au développement du trou dans la couche d’ozone) nul aussi. De plus, une fuite de R718 dans un local se traduit par une mini-inondation sans aucun aspect toxique ou dangereux.
Oui mais voilà, rappelle Mathieu Guiet, l’eau comporte deux difficultés particulières : les systèmes fonctionnent en dépression par rapport à l’atmosphère, et le très faible nombre de fabricants pèse sur la disponibilité des systèmes et des composants clefs, comme les compresseurs, dans les puissances réduites requises en génie climatique.
Par conséquent, le fabricant de groupe au R718 fabrique aussi la quasi-totalité des composants et ne peut se servir à bon marché sur le marché mondial des composants de climatisation classiques. De plus, maintenir l’étanchéité d’un système en dépression et assurer sa fiabilité pendant 10 à 15 ans, soit la durée de vie à laquelle on s’attend pour une solution thermodynamique en chauffage et rafraîchissement, semble être particulièrement complexe.
Pour certaines applications comme la production de neige dans les groupes froids Gen 4 d’Aalpinov X, le R718 possède d’excellentes performances thermodynamiques. L’eau possède un point de gel élevé (0 °C), ce qui rend très difficile son emploi pour du froid négatif. Sa masse volumique est importante, ce qui crée des difficultés en phase d’évaporation et requiert une consommation d’énergie importante pour son emploi en cycle frigorifique. Depuis une vingtaine d’années, cependant, plusieurs industriels européens ont tenté le développement de machines de climatisation employant du R718.
L’allemand Efficient Energy a disparu
Les divers modèles de eChiller produisaient de l’eau glacée à 16 °C avec un ΔT maximal de 6 °K sur le retour, soit une température de retour de 22 °C. Ils comprenaient trois étages de compression montés en série et équipés de compresseurs centrifuges spécifiques, ce qui leur permettait de moduler leur puissance de 10 à 100 %. Efficient Energy annonçait pour un régime 16/22 °C (température de départ d’eau/température de retour) des performances énormes : Scop de 24 et Seer de 15,9.
Malheureusement, la fiabilité des machines n’était pas à la hauteur des performances annoncées. Efficient Energy a déposé le bilan en 2023. Ses brevets ont été repris par l’italien Vertiv, qui voulait utiliser cette technologie en refroidissement de data centers, mais rien n’apparaît pour l’instant dans son offre de solutions.
Remarquons au passage que ces activités de réfrigération industrielle ne font pas partie du périmètre de marques racheté par le groupe Bosch.
Lire aussi
-
Les fluides frigorigènes dans l'attente d'une décision de Bruxelles sur les PFAS
-
Fluides frigorigènes : une enquête publique propose de nouveaux calculs de charge
-
F-Gas : comment cet industriel accompagne les frigoristes vers les fluides naturels
-
Fluides frigorigènes : renoncez aux HFC, choisissez les fluides naturels !
Sélection produits
Contenus qui devraient vous plaire

- ACTUAL GAILLAC
Frigoriste (H/F)

- AS Emploi Loudun