Électricité, chauffage : comment ce BET s'attaque au gaspillage d'énergie dans le tertiaire

Le gaspillage d'énergie est une triste réalité dans le bâtiment, particulièrement dans le tertiaire. Certains sites maintiennent en fonction leurs systèmes CVC, d'éclairage ou informatiques la nuit et les week-ends, occasionnant des consommations qui, à la longue, peuvent alourdir sensiblement les factures d'énergie des exploitants tout en aggravant leur empreinte carbone.
Eneor, un BET filiale d’Acorus, spécialisé dans la performance énergétique des bâtiments tertiaires de grande surface, s'est lancé dans la traque aux économies d'énergie avec un service baptisé Night Tracking, qui identifie et optimise les équipements utilisés par un bâtiment lorsqu'il est inoccupé. Vincent Le Guilvout, directeur technique tertiaire d'Eneor, explique à XPair en quoi consistent ses missions d'économie d'énergie.
XPair : Qu'est-ce qui vous a amené à proposer un service comme Night Tracking ?
Vincent Le Guilvout : Nous avons constaté, au fil de nos audits, qu'il y avait de la déperdition dans les bâtiments tertiaires la nuit et les week-ends. Il y a toujours un talon de consommation d’appareils et de systèmes qui tournent en permanence, donc la consommation d'énergie peut varier fortement d’un bâtiment à l’autre et représenter des coûts importants : 1 kilowatt tournant toute l’année peut générer un surcoût de 1.000 € !
Limiter le gaspillage, ce n’est pas seulement éteindre la lumière, c’est aussi s’assurer que les systèmes CVC, les pompes, la GTB… sont réellement opérationnels et coupent un maximum d’appareils lorsque le bâtiment se vide. Or la seule façon de s’en rendre vraiment compte, c’est d’intervenir la nuit sur le terrain. Nous envoyons donc des ingénieurs mener des investigations, à savoir des mesures électriques, un relevé technique et une cartographie des consommations passives dans le bâtiment, afin d’identifier les usages dont on pourrait se passer.
Nous proposons ensuite de mettre en place des actions de régulation, que ce soit pour l’électricité, le chauffage, la ventilation, la climatisation... C’est donc une mission de conseil avec de la métrologie et de l’expertise, et potentiellement des actions techniques correctives, allant d'une simple reprogrammation à une installation de systèmes de pilotage. Et c'est surtout du bon sens ! En termes d’économie d’énergie, on vise une rentabilité immédiate d'environ 10%, soit environ 2 € du mètre carré de charge énergétique.
Quelles sont les principales causes des déperditions d'énergie ?
V. Le G. : Les déperditions sont souvent liées à trois facteurs. Il y a d'abord la méconnaissance du bâtiment par ses utilisateurs et ses exploitants : des systèmes tournent en tâche de fond mais personne ne s’en préoccupe. Il peut parfois aussi y avoir des manquements en exploitation/maintenance : l’équipe ne configure pas correctement les systèmes.
"Comme les bâtiments sont globalement de plus en plus complexes, il faut en parallèle des systèmes GTB de plus en plus complexes, dont la bonne mise en œuvre n’est pas toujours au rendez-vous à cause de la technicité des bâtiments et de leur configuration multilots."
Enfin, les systèmes de GTB, donc les automatismes, sont dysfonctionnels : étant donné que les bâtiments tertiaires sont inoccupés la nuit et les week-ends, personne ne peut constater ces incohérences lorsqu'elles se produisent. Cela peut par exemple être une centrale de ventilation qui ne se couperait pas comme prévu à l'heure indiquée.
Le marché de la GTB a pourtant enregistré une très forte croissance en 2024...
V. Le G. : Cela dépend vraiment de la qualité de la GTB dont on parle. Énormément de bâtiments sont d'ores et déjà équipés de systèmes informatiques complexes, dont la majorité ne fonctionne pas très bien. Si la GTB est bien dimensionnée et configurée, la résolution du problème peut être simple et rapide ; mais parfois cela peut être plus difficile et nécessiter l'intervention d'un spécialiste.
Il y a énormément d’éléments à prendre en compte : comme les bâtiments sont globalement de plus en plus complexes, il faut en parallèle des systèmes GTB de plus en plus complexes, dont la bonne mise en œuvre n’est pas toujours au rendez-vous à cause de la technicité des bâtiments et de leur configuration multilots.
Il y a aussi l'aspect réglementaire, avec le décret Bacs qui oblige les propriétaires à installer des systèmes de régulation. Tout le monde a tendance à se précipiter : des industriels doublent de taille, des start-up tentent de percer, et des BET comme le nôtre tentent de se mettre à l’échelle pour expertiser et réparer la GTB qui fonctionne mal.
Lorsque des actions correctives s'avèrent nécessaires, comment vous organisez-vous vis-à-vis de vos clients ?
V. Le G. : En amont de la mission, on discute déjà avec eux pour savoir ce qu’ils nous autorisent à corriger nous-mêmes, sachant que nos ingénieurs interviennent toujours en présence de l’exploitant du site, qui a la responsabilité des installations auditées.
Si nos équipes constatent que des appareils peuvent être reprogrammés, elles le font immédiatement, si bien que nous réalisons déjà des économies d’énergie avant même la fin de la mission. Puis, en aval, d’autres actions peuvent dépendre d'une décision du propriétaire, d'une investigation plus poussée, de l’installation de capteurs ou de régulateurs... Nos équipes réalisent alors un devis qu'elles adressent à l’exploitant.
À l'heure de la transition énergétique, observez-vous une prise de conscience des propriétaires et exploitants de site ?
V. Le G. : Les études menées sur différents sites que nous avons audités avec notre approche ont démontré une réduction moyenne de 15 à 30% du talon de consommation, ce qui représente jusqu'à 200 mégawattheures de gains énergétiques par an, et jusqu'à 20 tonnes équivalent CO2 évitées chaque année. Les économies financières annuelles sont estimées entre 30.000 et 80.000 €.
Eneor compte plusieurs gros clients fidèles dans les secteurs du luxe, des télécommunications et des loisirs, qui ont commencé à systématiser cette pratique, notamment dans le cadre du concours d'économies d'énergie Cube Flex, organisé par l'Ifpeb (Institut français pour la performance du bâtiment) et dédié à la flexibilité électrique des bâtiments et au pilotage intelligent des puissances installées.
Il faut dire que les enjeux financiers peuvent être énormes pour les propriétaires et exploitants de sites tertiaires, particulièrement dans des quartiers d'affaires comme La Défense. Nous avons justement à notre palmarès des sites comme la tour Saint-Gobain, la Samaritaine ou encore le Lutetia.
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