L'hybridation des solutions, la prochaine étape dans la transition du CVC ?

L'hybridation sera-t-elle synonyme de relance de l'activité dans un secteur du CVC atone ? Réunis en congrès annuel à Lille ce 11 avril 2025, les adhérents de l'Union des métiers du génie climatique, de la couverture et de la plomberie (UMGCCP, membre de la Fédération française du bâtiment - FFB) ont adopté un ton relativement optimiste en mettant en avant les compétences de leurs métiers et l'intérêt de leurs solutions, à l'heure des enjeux de transition écologique et de souveraineté énergétique.
"La période n'est pas facile pour les industriels et les distributeurs, mais la transversalité des métiers et des solutions est un vrai sujet", a exposé Pascal Housset, le président de l'UMGCCP, aux congressistes. Et parmi ces solutions figurent les systèmes hybrides, qui ont fait l'objet d'une table ronde dédiée.
Pour lancer le débat, il a cependant été difficile de leur attribuer une définition. "Tout un cosmos de textes (Eco-design, Eco-énergie tertiaire, F-Gas…) essaye en ce moment de faire converger toutes les définitions. Les hybrides vertueuses représentent un paysage assez vaste, il n'y a donc pas encore de définition formelle et on guette surtout une définition nationale", indique Remy Vasseur, responsable du département énergie et bas-carbone à l'USH (Union sociale pour l'habitat).
Arnaud Nicodeme, à la tête du pôle fluides et énergie chez HDM Ingénierie, se risque au jeu : "En BET, l’hybridation consiste à installer deux systèmes fonctionnant avec deux énergies différentes pour produire du chauffage, la plupart du temps électrique mais cela peut aussi être de la géothermie, avec comme dénominateur commun la chaudière gaz venant en complément, le but étant d'utiliser les équipements dans les plages de températures les plus efficientes".
Le neuf et la rénovation, deux mondes bien différents
Dans la mesure où le rendement d’une pompe à chaleur va commencer à baisser à partir de +5°C, la chaudière gaz se met alors en marche pour continuer à assurer la production. Une solution pour le parc social ? Celui-ci compte environ 6 millions de logements, dont 85% de collectifs, les deux tiers construits après 1970, et un tiers en chauffage individuel.
Actuellement, la répartition du bouquet énergétique du parc HLM se répartit entre 55% de gaz, 20% d'électricité, 20% de réseaux de chaleur urbain, 3% de biomasse et 3% de fioul. "On accueille toutes les solutions et toutes les bonnes idées pour assurer la transition environnementale. Nous voulons avoir un panel le plus large possible pour dérisquer les factures d’énergie de nos locataires", rebondit Remy Vasseur.
"Deux énergies valent mieux qu’une, en laissant au client la possibilité d’optimiser sa facture énergétique en fonction des prix des énergies."
- Hervé Defrennes, chef d'une entreprise de génie climatique et membre du bureau de l'UMGCCP
Tandis que le neuf est contraint de réfléchir, via des indicateurs de performance imposés par la RE2020, aux meilleures solutions, la rénovation induit peu d'investissements pour adapter les systèmes énergétiques du parc HLM, majoritairement gazier et déjà équipé de boucles d’eau chaude. "Cela évite de casser des systèmes déjà performants, et permet de les suppléer avec l’hybridation pour décarboner", affirme le responsable.
Les installateurs confirment ce distinguo entre les mondes du neuf et de la rénovation, dont les approches peuvent être très différentes. "Le neuf est régi par les appels d’offres. En rénovation, on est tenu par les besoins des clients. Décarboner, ça commence par l’isolation, ensuite on s’occupe de l’énergie", lance Hervé Defrennes, chef d'une entreprise de génie climatique et membre du bureau de l'UMGCCP.
Et le solaire dans tout ça ?
Selon lui, "deux énergies valent mieux qu’une, en laissant au client la possibilité d’optimiser sa facture énergétique en fonction des prix des énergies". L'hybridation - qui peut également intégrer de l'énergie renouvelable en fonction du budget du client - assure donc "une continuité de service" dans le cas où un appareil tombe en panne, puisqu’il peut alors être remplacé par un autre. "On est surtout sur de l’optimisation du fonctionnement", résume le dirigeant.
Face à une RE jugée de plus en plus contraignante sur certains aspects, les BET tentent de cadrer leur conception avec ces différents curseurs. "L’hybridation permet de baisser les coûts d’investissement et de sécuriser la production", estime Arnaud Nicodeme, qui constate par ailleurs "un écrêtage" des solutions alternatives mises en place ces dernières années.
Mais si l'hybridation est "un choix technique privilégié sur pas mal de projets", c'est surtout vrai dans le tertiaire, car les premiers projets sont seulement en train de sortir dans le collectif et les acteurs ne disposent pas de retours d'expérience suffisants. Cela dit, l'hybridation ne se résume pas au couple électricité/gaz.
"Le solaire thermique (ST) est hybride par essence", clame Richard Loyen, délégué général d'Enerplan. D'après lui, la filière propose déjà une batterie de solutions censées répondre au bon besoin, au bon moment. "Le ST s’hybride parfaitement avec le bois et le gaz, qui va devenir biogaz demain, et donc cher et précieux. On a aussi la solution PVT (photovoltaïque thermique) qui permet d’alimenter une Pac à la même température qu’un puits géothermique mais sans avoir à faire de forage", détaille le spécialiste.
L'enjeu de la maintenance
Qui reconnaît toutefois que les entreprises de la filière doivent encore monter en puissance sur l’installation et l'exploitation de ces Pac solaires. Reste que si le ST est bien installé en collectif, il faut malgré tout un suivi technique des performances. "C’est un nouveau champ de business qui s’ouvre pour les installateurs", juge Richard Loyen.
Ces derniers veulent démontrer qu’il est nécessaire que les futures installations soient suivies. "On a des outils IOT de plus en plus performants pour suivre en direct la production des systèmes", confirme Hervé Defrennes.
"On insiste beaucoup sur l'entretien et la maintenance, qui sont des aspects clés, mais l’aspect formation l'est aussi car on manque de bras. Il y a également un besoin d’étoffer les catalogues avec des solutions complémentaires, et rassurer les acteurs."
- Remy Vasseur, responsable du département énergie et bas-carbone à l'USH
Gare aussi à ne pas tomber dans le piège d'une opposition stérile entre les vecteurs, prévient Arnaud Nicodeme : "Il y a un frein psychologique et politique de certains MOA qui ne veulent plus entendre parler de gaz alors qu’il y a toute une industrie des gaz renouvelables qui se développe. La molécule a toujours cette image d’énergie sale et polluante. Ces mêmes MOA veulent passer en tout ENR mais il ne faut pas perdre de vue que les frais de raccordement sont plus importants en cas d’hybridation."
Et une fois de plus, c'est toute la chaîne de valeur qui doit être prise en compte, amont comme aval. "On insiste beaucoup sur l'entretien et la maintenance, qui sont des aspects clés, mais l’aspect formation l'est aussi car on manque de bras. Il y a également un besoin d’étoffer les catalogues avec des solutions complémentaires, et rassurer les acteurs sur la capacité à fabriquer, concevoir, installer et exploiter ces solutions. On aura besoin de toutes les énergies pour réussir la transition écologique", tranche Remy Vasseur.
Nouvelle ère
Hervé Defrennes veut y croire : "Notre savoir-faire va être redoublé avec les technologies qui arrivent, il suffit de faire preuve de bonne intelligence. Et de nous confier les dossiers !" La montée en compétence des "vrais" professionnels sera en outre un gage de sécurité face aux éco-délinquants, qui risquent de s'emparer des systèmes hybrides. Quoi qu'il en soit, "c’est fini, la monotechnologie", insiste Richard Loyen.
"Le monde d’avant où on ne vendait que des chaudières gaz est révolu, place maintenant au monde de demain avec des solutions hybrides. Les pros, les vrais, doivent monter en compétences pour devenir multicompétents avec ces solutions premium en termes de performances." La nouvelle ère qui s'ouvre dispose d'ailleurs d'un "juge de paix" : les technologies numériques. "Toutes nos solutions deviennent instrumentées. Les mauvaises entreprises se feront tirer les oreilles car les clients verront, avec leurs propres applis, si ça ne marche pas."
Les bailleurs sociaux ne misent pas non plus un kopeck sur une hypothétique "solution monolithique" : "La Pac à tout faire, capable de s’adapter à toutes les configurations de logements, n'existe pas", répète Remy Vasseur. Il demeure néanmoins une inconnue : l'évolution du cadre réglementaire.
"Notre travail est de trouver des solutions techniques dans un contexte environnemental, mais on se pose la question des prochaines échéances de la RE2020, et notamment du seuil 2028 : les techniques actuelles seront-elles encore valables en 2028 ?", s'interroge Arnaud Nicodeme. Autrement dit, si aujourd’hui l’hybridation est une réponse technique, elle ne le sera peut-être plus dans quelques années.
Une réglementation mouvante
"En tant qu’installateur, tant qu’on peut poser du tuyau et de la gaine, ça va !", plaisante Hervé Defrennes. Le chef d'entreprise reconnaît malgré tout que son métier s'oriente vers la décarbonation mais qu'il doit aussi préserver un savoir-faire de manipulation des fluides et des matériaux.
"Si on abandonne maintenant le gaz, on va perdre du savoir-faire qui nous manquera peut-être dans 10, 20 ou 30 ans. Chaque projet est différent, la réflexion doit s'élaborer en fonction de ses besoins, de ses limites, des nuisances éventuelles. On ne peut pas uniformiser les choses", appuie l'installateur. "Avant de massifier l’hybridation, il faut déjà maîtriser les compétences de base de chaque technologie pour ensuite pouvoir les mixer", met en garde Richard Loyen.
"On ne passera pas du tout gaz hier au tout Pac demain, car on ne pourra pas mettre de la Pac partout. Il faut se garder des marges de manœuvre."
- Richard Loyen, délégué général d'Enerplan
Et d'inviter les professionnels du génie climatique à se saisir des systèmes méconnus ou naissants : "Il y a un manque d’entreprises dans le ST collectif : on en compte moins d'une par département. Sur ce point, on travaille avec l’Ademe (Agence de la transition écologique), il y a une ambition forte, on va faire des appels d’offres mais on n’avancera pas si on manque des professionnels."
Pas question dans tous les cas de s’enfermer dans une case monotechnologique : "On ne passera pas du tout gaz hier au tout Pac demain, car on ne pourra pas mettre de la Pac partout. Il faut se garder des marges de manœuvre."
Le marché lui-même risque encore de bouger au gré des orientations des pouvoirs publics, dont les craintes sur le bouclage de la biomasse justifieraient les incitations à passer à la géothermie et au PV. Mais le secteur ne manque pas d'idées : "On travaille sur du PV fabriquant du froid, sur le brassage d’air, sur des solutions passives qu’on pourra mettre en œuvre en complément des solutions existantes", conclut le délégué général d'Enerplan. L'hybridation ne sera donc probablement pas une finalité, mais bien une nouvelle étape.
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