Contre les limites de l'IA et les risques cyber, la GTB doit "se bouger" et faire preuve de "bon sens"

Par   Corentin PATRIGEON

Actualités
Publié le 30 septembre 2025
© Corentin Patrigeon pour XPair
De gauche à droite : Blaise Sola, directeur innovation chez Artelia ; Serge Lemen, responsable solutions "smart building" chez ABB ; Daniel Zotti, président de Lonmark Francophone.
DÉCRYPTAGE. Si le marché de la GTB se porte bien, ses professionnels s'interrogent sur l'impact réel de l'intelligence artificielle et sur les risques cyber auxquels sont exposés un nombre croissant de bâtiments. Et si une bonne intégration de la machine passait par un renforcement de l'expertise humaine ?

S'il se porte bien dans un contexte plutôt morose pour le CVC, le marché de la GTB n'en demeure pas moins confronté à des enjeux aussi stimulants qu'inquiétants. Lors d'une conférence organisée sur le salon IBS ce 30 septembre 2025 à Paris, plusieurs spécialistes sont revenus sur les deux sujets qui préoccupent le plus la filière : l'intelligence artificielle et la cybersécurité. Car à l'image de la plupart des secteurs d'activité, la gestion technique du bâtiment n'échappe pas à l'irruption de l'IA dans ses systèmes.

Pour Serge Lemen, responsable solutions bâtiment intelligent chez ABB, cela impliquera pour les équipes d'être immédiatement opérationnelles "sinon les modèles IA ne convergeront jamais". Sachant qu'"on n'est aujourd'hui pas en capacité d'harmoniser les modèles", prévient le directeur innovation d'Artelia, Blaise Sola. "Un bâtiment est un ensemble de choses différentes et l'IA peut nous aider à optimiser ces différentes choses", reconnaît-il cependant.

Mais si l'IA peut améliorer ce qui existe déjà, encore faut-il que ce qui existe déjà ne soit pas dans un mauvais état. "Ce n'est pas utile de rajouter des outils d'optimisation des systèmes quand les installateurs sont des bras cassés. Si vous n'avez pas les bonnes personnes formées pour installer et mettre en service correctement les systèmes, cela ne servira à rien d'optimiser", fustige Daniel Zotti, à la tête de Lonmark Francophonie.

Mettre de l'IA dans la GTB... pour quel gain énergétique réel ?

D'après lui, "on a déjà toutes les solutions, il suffit de les mettre en service". Et d'attirer l'attention sur la gloutonnerie énergétique de l'IA : "Est-ce qu'on peut aller chercher le dernier kilowatt à économiser avec un outil consommant la même quantité énergie ? L'IA va nous aider, mais pour quel gain énergétique ?" C'est donc bien du côté de l'humain, et non de la machine, que le virage de l'IA doit être négocié.

Blaise Sola appelle notamment à une montée en compétences des installateurs et mainteneurs sur le sujet, ainsi qu'à une sensibilisation des maîtres d'ouvrage. "La MOA doit comprendre ce que l’on dit, là où on veut l'emmener et ce qu’elle achète comme systèmes. Je ne peux pas dire ce que l’IA pourra concrètement nous apporter, mais ce que je sais, c’est qu’elle nous aidera à gérer le patrimoine. C’est une ressource que l’on peut et doit utiliser à bon escient, pour qu’elle apporte les bons services aux bons utilisateurs", affirme le responsable d'Artelia.

"Ce n'est pas utile de rajouter des outils d'optimisation des systèmes quand les installateurs sont des bras cassés. Si vous n'avez pas les bonnes personnes formées pour installer et mettre en service correctement les systèmes, cela ne servira à rien d'optimiser."

- Daniel Zotti, président de Lonmark Francophonie

Y compris une protection suffisante face aux risques cyber auxquels sont exposés un nombre croissant de bâtiments ? "La montée en compétences en cybersécurité est largement plus demandée que celle pour exprimer une montée en température", ironise Daniel Zotti. Rappelant que tous les bâtiments peuvent être attaqués – entreprises, centres de données, hôpitaux… –, le président de Lonmark Francophonie interpellent les intégrateurs pour qu'ils étoffent leur expertise en technologies de l'information.

"Beaucoup de fabricants proposent aujourd’hui des solutions 'cybersecure', mais en face les professionnels n’ont pas progressé et mettent en service des systèmes qu’ils ne comprennent pas. Il y a 20 ans, la GTB était spécialisée ; aujourd’hui, elle est monocolore, multimétiers et on part dans la bouillie !" Et si mettre de l’IA partout n'était pas une si bonne idée que cela ?

Bien distinguer les rôles de constructeur et d'installateur

Dans tous les cas, Serge Lemen partage le constat d'un renforcement indispensable des compétences en exploitation : "Actuellement, on est au niveau 0 de la compétence dès qu’on entre dans l’aspect IT des systèmes. Il faut se bouger car si la filière bâtimentaire ne peut pas proposer ces compétences additionnelles, les exploitants iront voir la filière IT !", prévient-il.

"Le problème dans la GTB, c’est que ce sont les constructeurs qui installent leurs propres systèmes. Il faut du bon sens et pas une compétence holistique constructeur !", ajoute le responsable d'ABB. La solution pourrait alors consister à revenir aux spécificités de chaque cas d'usage. Quoi qu'il en soit, la GTB a assurément encore de longs débats devant elle.


Actualités

Sélection produits