Île-de-France : ces leviers qui pourraient compenser les "angles morts" de la rénovation des logements

Par   Corentin PATRIGEON

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Publié le 2 décembre 2025
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Chantier de rénovation d'un immeuble.
ANALYSE. Une étude inédite de l'Institut Paris Région met en lumière les défis à relever pour rénover énergétiquement les logements franciliens sortis de terre avant 1991, qui représentent 70 % du parc résidentiel francilien. Trois types de bâtis sont jugés prioritaires, avec des recommandations techniques et financières à la clé.

Rénover le parc résidentiel francilien ne sera pas une mince affaire. Dans une étude inédite, l'Institut Paris Région s'est penché sur les défis à relever pour moderniser les logements construits avant 1991 en Île-de-France, qui représentent 70 % du parc régional et environ 77 % des consommations énergétiques du secteur résidentiel de la région capitale. Au-delà du diagnostic, l'agence d'urbanisme, qui réalise des travaux d'analyse et de prospective pour accompagner les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de leurs politiques publiques, suggère également quelques recommandations.

Alors que les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique sont au coeur des débats parlementaires autour du projet de loi de Finances 2026, l'Institut Paris Région affirme tout d'abord que les subventions directes restent "un levier majeur" pour la réhabilitation des logements franciliens, même s'il faut évidemment aussi prendre en compte la diversité des bâtiments et de leurs occupants, ainsi que les différents modes d'intervention.

D'après l'étude, environ 70.000 logements privés ont été rénovés chaque année entre 2021 et 2023, quand le parc social affichait sur la même période un rythme de 15.300 modernisations. Des efforts bienvenus mais encore insuffisants puisque "les passoires thermiques demeurent majoritairement classées dans les catégories E, F et G" et que les bâtiments rénovés gagnent, en moyenne, "une à deux classes DPE (diagnostic de performance énergétique)". Après travaux, la baisse des consommations énergétiques serait plus flagrante dans les logements sociaux qu'au sein du parc privé, malgré de "fortes disparités".

Trois cibles face à trois obstacles

L'Institut Paris Région pose plus largement la question de la pérennité des modèles économiques de la rénovation énergétique, après des mois d'inflation des matières premières. Il estime le coût moyen d'un chantier en copropriété à plus de 20.000 € par logement, sachant que "le niveau d'ambition des projets progresse aussi" en parallèle. Une rénovation globale peut atteindre 86.000 € en maison individuelle, bien que des gains énergétiques soient "possibles à des coûts inférieurs" pour des résidences "peu concernées par des enjeux patrimoniaux".

Le manque d'entreprises qualifiées, la complexité administrative des démarches et l'instabilité réglementaire sont aussi pointés du doigt par l'étude, en écho aux nombreux appels des acteurs du bâtiment sur ces différents sujets. Elle alerte par ailleurs sur des "angles morts", autrement dit trois catégories de bâtis particulièrement consommateurs d'énergie et qui devraient par conséquent être rénovés en priorité : le parc collectif d'avant 1946, les grands collectifs et les petits immeubles d'avant 1991.

Trois cibles qui se heurtent à trois obstacles, bien connus des professionnels travaillant en région parisienne : plus de la moitié du parc régional est soumise à des zones patrimoniales protégées, tandis que la mitoyenneté et les disparités de valeurs foncières imposent des contraintes et influencent les décisions d'investissement des propriétaires. D'où l'intérêt, selon l'Institut Paris Région, de mettre sur pied des modes d'accompagnement spécifiques, tant sur le plan technique que financier.

Le rôle central des collectivités locales

Car il faut motiver les ménages à franchir le pas de la rénovation au vu de la valorisation assez faible de la performance énergétique sur le marché immobilier francilien : en petite et grande couronnes, les logements classés F ou G se vendent en moyenne seulement 5 à 6 % moins chers que ceux étiquetés D, et l'écart est encore plus faible à Paris intramuros.

Une fois l'aspect financier réglé, restent les leviers techniques à actionner : pour l'étude, le plus essentiel est celui de l'isolation des parois – qui peut être responsable d'un tiers des pertes thermiques – et des planchers hauts et toitures. Les systèmes de chauffage doivent quant à eux s'adapter au bâti, offrant ainsi le choix entre réseaux de chaleur, biomasse, pompes à chaleur ou chaudières à gaz à très haute performance énergétique (THPE). L'agence rappelle au passage que "le poste ventilation, souvent négligé, joue un rôle déterminant dans la réussite des opérations".

Pour le reste, elle appelle les collectivités à participer à "l'atterrissage local" des politiques nationales, en utilisant les "marges de manoeuvre" dont elles disposent pour améliorer "l'écosystème de la rénovation énergétique". Les retours d'expérience qu'elle a collectés font par exemple état de la mise en place de chantiers de formation ou d'une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés, notamment les Alec (Agences locales énergie climat), les Caue (Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement), les Adil (Agences départementales d'informations sur le logement) mais aussi les enseignes de bricolage et les associations de consommateurs.

Les outils et procédures d'urbanisme, comme le PLUI (Plan local d'urbanisme intercommunal), mériteraient en outre d'être adaptés en vue de mener les chantiers de rénovation à l'échelle, non plus du bâtiment mais du quartier, et les structures publiques type France Rénov' pourraient voir leurs moyens et compétences renforcés, particulièrement en architecture. Enfin, sensibiliser les usagers des bâtiments rénovés sur les actions de sobriété énergétique serait également à considérer.


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